Sommaire
Un siècle de réformes 1450-1550 (1ère partie)
Chronologie
- 1507 : Guillaume Briçonnet accueille à Meaux Jacques Lefèvre d’Étaples qu’il fréquente depuis 1505.
- 1515-1516 : Martin Luther donne un cours sur l’épître de Paul aux Romains.
- 1516 : Ulrich Zwingli rencontre Érasme et l’imprimeur Froben à Bâle.
- 1517 : Martin Luther publie ses 95 thèses.
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1520 : Martin Luther publie ses principaux écrits réformateurs :
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La Papauté de Rome ;
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L’Appel à la noblesse chrétienne de la Nation allemande pour l’amélioration de l’ordre chrétien ;
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De la Captivité babylonienne de l’Église ;
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La Liberté chrétienne.
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1521 :
- L’empereur Charles Quint promulgue l’Édit de Worms pour interdire le luthéranisme..
- Les thèses de Martin Luther sont condamnées par la Sorbonne.
- Le cénacle de Meaux, expérience évangélique, est fondé à la demande de l’évêque de Meaux Guillaume Briçonnet .
- 1522 :
- Les publications d’Ulrich Zwingli le font connaître en dehors de Zurich.
- Martin Luther publie la traduction en allemand du Nouveau Testament.
- 1523 :
- Jacques Lefèvre d’Étaples publie la traduction en français du Nouveau Testament à partir de la Vulgate.
- Zürich est le premier canton suisse à passer à la réforme, grâce à Zwingli.
- 1524 : Martin Bucer met en place un culte réformé à Strasbourg
- 1528 : Jacques Lefèvre d’Étaples publie la traduction en français de l’Ancien Testament à partir de la Vulgate.
- 1529 : Bâle passe à la réforme. Glaris, Berne, Bienne, Schaffhouse et Saint-Gall suivent. « Protestation » des princes luthériens lors de la seconde Diète de Spire. La République de Mulhouse adopte la réforme inspirée par Ulrich Zwingli (puis par la suite par Jean Calvin) comme unique doctrine d’État.
- 1530 :
- Présentation de la confession d’Augsbourg, texte fondateur du luthéranisme.
- Meaux devient la première paroisse protestante organisée de France.
- 1531 : Les cantons suisses catholiques attaquent les Zurichois et les battent. Zwingli est tué.
- 1532 : Au synode de Chanforan, l’église vaudoise fusionne avec les églises réformées. Jean Calvin, converti en 1531, commence à prêcher dans Paris.
- 1533 : Discours de Nicolas Cop, recteur de la Sorbonne, écrit par Calvin. Scandale. Exil de Calvin.
- 1534 :
- Martin Luther publie la traduction en allemand de l’Ancien Testament.
- Affaire des Placards ; la politique royale française devient répressive.
- 1536 :
- Calvin publie à Bâle l’Institution de la religion chrétienne, sans mention de la prédestination.
- Calvin s’installe à Genève où la Réforme vient d’être adoptée.
- 1538 :
- Calvin, banni de Genève en 1538, s’installe à Strasbourg, où il collabore avec Martin Bucer et enseigne dans le collège humaniste nouvellement créé.
- 1541 : Calvin revient à Genève et y installe une république calviniste dans la ville.
- 1542 : création de l’Inquisition romaine par Paul III.
- 1545 :
- Ouverture du concile de Trente.
- Le massacre de Mérindol, lors duquel 3 000 Vaudois du Luberon meurent, déclenche l’émoi et une enquête royale.
- 1546 : mort de Martin Luther.
- 1552 : Calvin publie De la prédestination éternelle de Dieu.
- 1555 (25 septembre) : la Paix d’Augsbourg est signée ; elle donne une existence légale aux villes ou aux États luthériens dans l’Empire.
- 1561 : colloque de Poissy, tentative de conciliation entre théologiens catholiques et protestants français ; le colloque échoue sur la question de la transsubstantiation.
- 1562 :
- Calvin publie La congrégation sur l’élection éternelle.
- massacre d’un rassemblement de Huguenots à Wassy ; début des guerres de religion en France.
- 1563 : fin du concile de Trente.
Un climat délétère

À côté de la multiplication de ces pratiques, la Bible, proclamée en latin lors des messes, n’est accessible aux fidèles qu’à travers les commentaires des clercs, d’où il s’ensuit une perte de sens.
À partir du milieu du XVe siècle, le pouvoir d’achat s’amenuise. Les nobles regardent donc du côté des immenses biens fonciers de l’Église, soit le plus souvent 20 à 30 % des terres cultivables. De plus l’Église continue à condamner dans ses tribunaux ecclésiastiques les profits bancaires et le profit monétaire, même si ses positions se sont quelque peu assouplies. Les banquiers sont particulièrement nombreux en Allemagne du Sud. Nobles et banquiers sont ainsi moins attachés à l’Église catholique.
Les facteurs politiques ne sont pas absents non plus. Le développement des États se heurte à la puissance temporelle de l’Église. De plus en plus, les princes cherchent à intervenir dans le choix des membres du Haut-clergé, évêques, abbés. En effet, les postes ecclésiastiques sont liés à des bénéfices. Celui qui contrôle l’élection du prélat, contrôle indirectement le bénéfice. L’autorité universelle du pape, proclamée par Grégoire VII depuis 1075, se heurte à l’autorité grandissante du souverain. Ce qui provoque des conflits. (en France la « pragmatique sanction de Bourges » est de cet ordre.)
Mais ce qui affaiblit le plus l’Église catholique, c’est la perte de la sacralité. Les fidèles voient trop de fils de prêtres devenir prêtres, trop de clercs s’enrichir aux dépens des laïcs, trop d’évêques vivant comme des grands seigneurs.
Les mouvements réformistes avant Luther
La « dévotio moderna »
La « dévotio moderna » c’est la conversion du cœur et la pratique des vertus
chrétiennes priment. La contemplation perd l’aspect intellectuel et ouvertement métaphysique que lui avaient donné les mystiques rhénans et devient simple prière. Il insiste sur la nécessité du dépouillement préalable de celui qui va prier. Selon lui, il faut avant tout imiter l’humanité du Christ et allier vie active et contemplation.
Guillaume Briçonnet et le « Cénacle de Meaux »

Jacques Lefèvre d’Etaples
Les réformateurs:
Martin Luther (1483-1546)

En 1512, il est sous-prieur à Wittenberg et prépare un doctorat en théologie qu’il obtient l’année suivante : il donne alors des cours de théologie à l’université sur les psaumes et les épîtres aux Romains, aux Galates et aux Hébreux.
Outre une violente critique des indulgences, contre lesquelles d’autres s’étaient déjà élevés, Luther refuse la théologie des œuvres : le pécheur n’est pas pardonné en raison de ses œuvres. Tourmenté par la justice de Dieu qui punit le pécheur, Luther réalise que l’homme est justifié (rendu juste) par la foi qui est un don de Dieu. C’est la révélation que décrit Luther dans l’expérience de la Tour, dont ni la date (entre 1512 et 1519) ni le lieu ne sont connus.
La rupture avec Rome
Les thèses de Luther sont attaquées par Jean Eck, vice-chancelier de l’université d’Ingolstadt. Le pape Léon X charge le général des Augustins de ramener Luther à la raison. Luther est sommé de comparaître à Rome mais Frédéric le Sage demande et obtient qu’il soit jugé en Allemagne.
Le pape mandate le dominicain Cajetan pour entendre Luther à Augsbourg devant la diète. Après la séance, tenue en octobre 1518, Luther rédige un appel « Du pape mal informé au pape mieux informé » et quitte la ville en secret. Mais le pape répond par la bulle « Cum postquam » qui réfute les idées de Luther et demande à Frédéric le Sage de le livrer. Le prince électeur interdit à Luther de quitter l’Allemagne.
La mort de l’empereur Maximilien en janvier 1519 donne plus d’autorité à sa décision, en effet la charge impériale étant élective, le petit-fils de Maximilien, Charles Ier d’Espagne, le futur empereur Charles Quint, avait besoin du soutien de l’électeur de Saxe pour l’emporter sur l’autre candidat, François Ier.
Mais la polémique reprend. Au cours d’une confrontation à Leipzig avec Jean Eck, Luther affirme que la Bible est la seule autorité. En réponse à son traité « Sur la papauté de Rome », la bulle « Exsurge Domine » du 15 juin 1520 somme Luther de se rétracter.
Celui-ci jette la bulle au feu.
La diète de Worms (1521)
Alors que les idées de Luther commençaient à se répandre en Allemagne et hors d’Allemagne, la bulle Decet « romanum pontificem » du 3 janvier 1521 excommunie Luther et ses partisans.
Malgré les demandes pressantes du nonce, Charles Quint refuse de livrer Luther à Rome mais le convoque en sa présence à la diète de Worms, muni d’un sauf-conduit.
En avril 1521, devant la diète, Luther refuse de désavouer ses écrits : « Je ne puis ni ne veux rien rétracter car il n’est ni sûr ni salutaire d’agir contre sa conscience ». Charles Quint est furieux mais laisse Luther repartir. Pourtant, un mois plus tard, il le met au ban de l’empire.
Frédéric le Sage, qui avait des sympathies pour Luther, le fait alors enlever pour le mettre à l’abri dans son château de la Wartburg, près d’Eisenach, où Luther passe près d’un an, de mai 1521 à mars 1522. C’est pour Luther une période d’intense activité avec de nombreux écrits sur la vie religieuse et la vie conjugale et surtout la traduction du Nouveau Testament en allemand.
Vers l’Église évangélique
Luther s’inquiète des profondes transformations de la messe voulues par Carlstadt. Celui-ci était un réformateur radical qui avait lui aussi, un peu avant Luther, affiché des thèses et pris la tête du mouvement de Réforme pendant que Luther était retenu au château de la Wartburg.
Malgré les consignes de prudence de Frédéric le Sage, Luther retourne à Wittenberg et se met à prêcher avec son habit de moine.
Ne voulant pas heurter les consciences, il introduit graduellement des changements dans la messe. Dans un premier temps il maintient le latin pendant l’office et garde les vêtements liturgiques puis il introduit l’allemand, notamment pour la prédication. Mais Luther tient à retirer à l’eucharistie son caractère de sacrifice. Les fidèles participent par le chant.
En 1523, dans De l’autorité temporelle et des limites de l’obéissance qu’on lui doit, Luther développe la théorie des deux règnes selon laquelle le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel sont complémentaires sans s’exclure : l’un s’adresse aux hommes pieux tandis que l’autre a pour rôle de mater les méchants. Cette distinction, qui écarte la théocratie, convient aux princes allemands attirés par la Réforme.
Le message de Luther trouve aussi un écho favorable dans les villes libres.
L’appel à la noblesse et la révolte des nobles allemands (1522)
L’appel de Luther A la noblesse de la nation allemande paru en 1520 et qui traitait des pouvoirs temporels et de l’Église avait suscité des espoirs chez certains nobles qui voulaient s’émanciper de l’empereur, des princes ou des villes libres. Ils pensent trouver un allié en Luther. En 1522 éclate une révolte de nobles allemands qui envahissent les terres de l’évêque de Trèves. Luther, ne voulant pas imposer la Réforme par la force, ne soutient pas la révolte.
La révolte des paysans
En 1524, des paysans se révoltent en Allemagne du Sud, revendiquant la réduction des impôts et du servage et la souveraineté des Écritures. Ils sont poussés à l’insurrection par Thomas Müntzer, un ancien moine partisan d’une réforme radicale. Face à cette guerre des paysans, Luther appelle à la paix dans son Exhortation à la paix à propos des douze articles de la paysannerie souabe, il dénonce les faux prophètes qui trompent le peuple et condamne la révolte qui ensanglante le centre et le sud de l’Allemagne. Il la traite d’œuvre du diable, alors même qu’il avait été accusé de l’avoir allumée par ses idées. Les paysans révoltés sont battus, la répression est terrible, Müntzer est décapité.
La première diète de Spire (1526)
En 1525, François 1er avait été vaincu et fait prisonnier à Pavie. Libéré en 1526, il constitue avec l’Angleterre, Florence, Venise, Milan et le pape Clément VII la Ligue de Cognac contre l’Espagne, ce qui affaiblit Charles Quint. Celui-ci doit alors faire des concessions dans l’empire : son frère Ferdinand, qui le représente à la diète de Spire en 1526, accepte la suspension provisoire de la mise au ban de l’empire pour Luther, tandis que les princes obtiennent la liberté religieuse dans leurs états.
Ainsi la nouvelle Église évangélique pouvait s’organiser.
L’organisation de l’Église
Sur les territoires des princes et des villes ayant adopté les idées luthériennes, il convenait de visiter les paroisses, qui ne dépendaient plus des évêques, pour veiller aux bonnes mœurs des pasteurs et à l’orthodoxie de leur doctrine et s’assurer de la contribution financière des fidèles. Dès 1524, Jean-Frédéric de Saxe, régent de Thuringe veut désigner des visiteurs. Luther refuse d’abord puis finit par accepter que le prince ou le magistrat municipal désigne une commission d’inspecteurs ecclésiastiques composée de théologiens et d’hommes de loi pour inspecter la vie des communautés de la nouvelle Église évangélique.
Les visites des paroisses révèlent le besoin de l’énoncé d’une doctrine pour préciser la foi. Luther rédige alors deux ouvrages pédagogiques :le Catéchisme allemand ou Grand Catéchisme puis le Petit Catéchisme à l’usage des pasteurs et des prédicateurs peu instruits.
C’est aussi l’époque d’une controverse entre Luther et Érasme qui avait pris position contre la Réforme dans son traité Du libre arbitre (1525).
La seconde diète de Spire (1529)
Après le sac de Rome de 1527 par ses troupes mutinées et devant les perspectives de paix avec la France, Charles Quint convoque en avril 1529 une seconde diète à Spire avec une majorité de catholiques. Il veut revenir à l’édit de Worms qui avait banni Luther.
La minorité acquise à la Réforme « proteste » en affirmant qu’elle ne consentirait à aucun acte ou arrêt contraire à Dieu, à sa Sainte Parole, au salut des âmes et à la bonne conscience. De là vient le nom de « protestant ».
Le colloque de Marbourg (1929)
Dans l’empire, cinq princes et quatorze villes libres, dont Strasbourg, ont adopté la Réforme.
Vienne est assiégée par les Turcs de Soliman le Magnifique en 1529. Luther est, comme le prince électeur de Saxe, Jean le Constant, très attaché à l’empire. Il ne souhaitait pas une union politique protestante mais la recherche d’une unité doctrinale lui paraissait utile : c’est l’objet du colloque de Marbourg en octobre 1529 qui aboutit à une déclaration commune mais laisse subsister des avis divergents sur l’eucharistie.
Luther reste attaché à l’idée de la présence réelle, et pas seulement symbolique, du Christ dans le pain et le vin de la communion. En cela il est opposé à d’autres réformateurs, dont Ulrich Zwingli.
La Confession d’Augsbourg (1530)
Durant l’été 1530, Charles Quint convoque une diète à Augsbourg pour tenter une conciliation entre catholiques et protestants au sein de l’empire.
Luther se fait représenter par Melanchthon (1497-1560) qui soutient une confession de foi, inspirée des idées de Luther et connue sous le nom de Confession d’Augsbourg ; celle-ci affirme le caractère universel de la foi luthérienne. L’empereur n’accepte pas la Confession et demande aux protestants de revenir au catholicisme. Luther demande alors à Melanchthon de composer une apologie de la Confession d’Augsbourg. Charles Quint mécontent remet en vigueur l’édit de Worms contre Luther et somme les protestants de se soumettre avant le 15 avril 1531.
Les électeurs de Hesse et de Saxe refusent et constituent la Ligue de Smarkalde. L’empereur accepte la trêve de Nuremberg en juillet 1532.
L’unité doctrinale de la Réforme dans l’empire est à nouveau évoquée en 1536 lors du colloque de Wittenberg auquel participent Luther, Melanchthon, Bucer et Capiton : la Concorde de Wittenberg admet que le corps et le sang du Christ sont réellement présents dans le le pain et le vin de la communion. Le courant réformé de Zwingli n’est pas représenté.
En 1537, Luther rédige des thèses doctrinales, dites Articles de Smalkalde, pour préparer la position de la Réforme dans la perspective d’un concile qui ne s’ouvrira à Trente que huit ans plus tard en 1545.
Pendant les dernières années de sa vie il s’en prend violemment aux Turcs, aux papistes et aux juifs.
Il meurt le 18 février 1546 à Eisleben, sa ville natale.