A regarder les évènements dans leur masse et non dans le détail, il appert qu’il n’y a pas à opposer des gentils protestants contre des méchants catholiques.
Il y a à saisir que deux projets de sociétés qui s’opposent, l’un se nourrissant d’expériences autonomes -et ce seront les réformes « protestantes »-, l’autre préférant le renforcement des pouvoirs centraux -et ce sera le concile de Trente qui est un concile de réforme plus que de « contre-réforme » même si c’est l’apparition du protestantisme qui le questionne-.
Une réforme en plusieurs modèles
- la Réforme luthérienne qui, partie d’Allemagne, s’appuie sur les princes et sur certains éléments urbains, tandis qu’en Suède elle s’appuie sur l’Église et le souverain,
- le courant réformé qui, parti de Suisse avec Zwingli et de Genève avec Calvin, dépend fortement d’un élément populaire ou du moins bourgeois,
- la Réforme anglicane, en Angleterre, qui s’accomplit d’en haut, selon la volonté du souverain, mais qui est plus -au moins au début- une réforme de structure plus qu’une contestation théologique.
- la Réforme radicale, partie d’éléments populaires en Allemagne et en Suisse qui, estiment que les luthériens et les réformés ne vont pas assez loin et que la réforme s’arrête à mi-chemin. Elle remet profondément en cause les dogmes et l’ecclésiologie de l’Église catholique.Seul l’anabaptisme pacifique a réellement survécu aux diverses répressions orchestrées par les institutions tout au long du xvie siècle. Ce courant apparaît d’abord en Suisse sous l’action de Grebel et Mantz. Puis, il se développe dans le Tyrol avec les huttérites. Enfin, Menno Simons donne un nouveau souffle à ce courant en l’homogénéisant quelque peu. Ce courant est devenu l’ Eglise Mennonite
Les trois premiers courants constituent la « Réforme magistérielle » parce qu’ils sont conduits par des théologiens.
Il arrive que les deux types de réforme, « Réforme magistérielle » et Réforme radicale, entrent en conflit : Luther est confronté à la révolte des paysans en 1525, Calvin combat les anabaptistes et ceux qu’il appelle les « libertins spirituels », accusés de semer le désordre social ou la zizanie.
Petite biographie paralèlle des principaux réformateurs
Plusieurs étapes jalonnent la progression du luthéranisme:
- La diète de Spire en 1529, qui voit les princes des Etats allemands gagnés à la Réforme protester (d’où le nom «protestants») contre Charles Quint qui veut leur retirer la liberté de professer leur foi, pourtant accordée en 1526.
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La Confession d’Augsbourg
Durant l’été 1530, Charles Quint convoque une diète à Augsbourg pour tenter une conciliation entre catholiques et protestants au sein de l’empire. Luther se fait représenter par Melanchthon (1497-1560) qui soutient une confession de foi, inspirée des idées de Luther et connue sous le nom de Confession d’Augsbourg ; qui affirme le caractère universel de la foi luthérienne. L’empereur n’accepte pas la Confession et demande aux protestants de revenir au catholicisme. Luther demande alors à Melanchthon de composer une apologie de la Confession d’Augsbourg. Charles Quint mécontent remet en vigueur l’édit de Worms contre Luther et somme les protestants de se soumettre avant le 15 avril 1531. Les électeurs de Hesse et de Saxe refusent et constituent la Ligue de Smarkalde. L’empereur accepte la trêve de Nuremberg en juillet 1532.
En 1537, Luther rédige des thèses doctrinales, dites Articles de Smalkalde, pour préparer la position de la Réforme dans la perspective d’un concile qui ne s’ouvrira à Trente que huit ans plus tard en 1545.
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La Paix d’Augsbourg de 1555, qui reconnaît la division confessionnelle de l’Allemagne et accorde aux Etats protestants le droit de professer leur foi, et impose aux individus d’embrasser la religion de leurs princes.Au terme de plusieurs mois de négociations, Ferdinand concède aux princes allemands, par le recès d’Augsbourg, le libre choix de leur religion, catholique ou luthérienne. Il leur donne en prime le droit d’imposer leur religion à leurs sujets selon l’adage de l’époque: « cujus regio, ejus religio » (tel prince, telle religion). Seules les villes dépendant directement de l’empereur bénéficient de la tolérance religieuse.Une exception importante concerne les principautés ecclésiastiques gouvernées par un évêque. Ce dernier, s’il se convertit au luthérianisme, ne peut contraindre ses sujets catholiques à se convertir ou émigrer. Réciproquement, les habitants de ces principautés ont le droit de suivre la foi de Luther. D’autre part, les protestants autres que luthériens (calvinistes, anabaptistes, zwingliens) sont exclus du compromis d’Augsbourg.
- La Formule de Concorde de 1577, qui apaise les controverses internes au luthéranisme et qui, avec la Confession d’Augsbourg et d’autres textes, constitue le canon de la foi luthérienne.
La réforme se développe selon plusieurs axes
Presque en même temps que Luther à Wittenberg, Zurich devient un des principaux pôles de la Réforme. Zwingli semble avoir adopté une position réformatrice vers 1520, sans avoir été influencé par Luther. Il est soutenu dans sa volonté réformatrice par le Conseil de Zurich, rapidement convaincu par ses arguments. La réforme prônée par Zwingli, accomplie pour l’essentiel de 1524 à 1525, est très proche de celle de Luther: seule l’Ecriture fait autorité, la messe est abolie, les images supprimées dans les sanctuaires, les couvents sécularisés.
La Réforme s’étend dans la Confédération Helvétique et gagne plusieurs cantons. Une guerre civile éclate entre cantons protestants et catholiques. En 1531, Zwingli meurt à la bataille de Cappel. Henri Bullinger poursuit à Zurich son œuvre réformatrice et conclut en 1549 avec Calvin le Consensus Tigurinus, qui contribua largement à unir les réformes de Calvin et de Zwingli dans la confession qu’on appelle aujourd’hui «réformée».
Après Wittenberg, Zurich et Strasbourg – qui était devenu un foyer très actif de la Réforme grâce à Martin Bucer – c’était au tour de Genève de rallier le mouvement.
- On appela en France les partisans de Luther ou de Calvin, les Huguenots. Le basculement ne sera pas de la même ampleur, il aboutira au deuxième tiers de ce siècle à une guerre de religion qui durera plus de trente ans
- En Angleterre, c’est le pouvoir royal qui provoquera le schisme anglican et les conséquences de nombreux troubles en Irlande et en Écosse.
- Au Danemark, l’on poussera de force les Islandais à choisir la Réforme.
- En Allemagne, les conversions sont massives, et ont un grand écho populaire.
À partir de 1525, un sérieux conflit opposa Luther à Zwingli, le réformateur de Zurich. Le premier maintenait avec vigueur l’affirmation de la présence réelle du Christ dans la Cène. En recevant le pain et le vin, le fidèle recevait véritablement, selon Luther, le corps et le sang du Christ sacrifiés pour lui sur la croix. Les Églises luthériennes conservèrent l’autel dans les églises, la célébration régulière de la Cène tous les dimanches (du moins au XVIe siècle), l’usage de l’hostie, une attitude respectueuse des fidèles envers les éléments, qu’ils recevaient le plus souvent à genoux.
L’orientation de Zwingli était différente. À Zurich on ne célébra plus la Cène que quatre fois l’an. Zwingli lui donnait une autre signification que Luther. Il ne convenait pas, à ses yeux, de parler de présence du corps du Christ. Tout au plus le Christ était-il présent dans le souvenir de ceux qui célébraient la Cène. Par la célébration, les fidèles ne commémoraient pas seulement l’œuvre du Christ accomplie sur la croix, ils manifestaient leur engagement au service du Christ et exprimaient leur appartenance à son Église.
Calvin, le véritable père spirituel des Églises réformés, se tiendra à mi-chemin entre Luther et Zwingli. Comme Luther, il soulignait dans la Cène l’importance du lien établi par le Saint-Esprit entre le fidèle et le corps du Christ. Par ailleurs, il était loin de relativiser les signes du pain et du vin : « Il vous faut avoir cette confiance indubitable, qu’en prenant le signe du corps, nous prenons pareillement le corps« (2). Mais la localisation du corps du Christ en un ciel compris de façon locale l’empêchait d’affirmer avec force la présence réelle du Christ. Un certain spiritualisme ne lui permettait pas de lier aussi fortement que Luther le corps et le sang du Christ aux éléments. Et surtout, il ne pouvait concéder que dans la Cène, les non-croyants recevaient également le corps du Christ.
Le colloque de Marbourg
Dans l’empire, cinq princes et quatorze villes libres, dont Strasbourg, ont adopté la Réforme.
Vienne est assiégée par les Turcs de Soliman le Magnifique en 1529. Luther est, comme le prince électeur de Saxe, Jean le Constant, très attaché à l’empire. Il ne souhaitait pas une union politique protestante mais la recherche d’une unité doctrinale lui paraissait utile : c’est l’objet du colloque de Marbourg en octobre 1529 qui aboutit à une déclaration commune mais laisse subsister des avis divergents sur l’eucharistie. Luther reste attaché à l’idée de la présence réelle, et pas seulement symbolique, du Christ dans le pain et le vin de la communion. En cela il est opposé à d’autres réformateurs, dont Ulrich Zwingli.
Ce sera le point de divergence principal entre Eglise Luthérienne et Eglise Réformée qui ne trouvera sa solution qu’avec la concorde de Leuenberg en 1973
Donc en moins de cinquante ans, un nouveau rapport de force se met en place. A la sortie du Moyen âge, le catholicisme prédominait, et voilà que pointe un nouveau visage religieux et politique de l’Europe.
Pendant l’épanouissement de la Réforme, l’Eglise catholique n’est pas restée inactive. La papauté s’est enfin décidée à convoquer un concile réformateur à Trente,